Tendances & Astuces


Tribal_INTERVIEW_ENGLISH3Pouvez-nous en dire un peu sur vous?

Je suis née à Tucson, en Arizona, mais j’ai demeuré à plusieurs endroits comme Hawaii, en Californie, au Massachusetts, et dans l’état de Washington. Je suis conférencière, auteure et artiste et j’adore créer de l’art, écrire et cuisiner des mets délicieux. Mais surtout, je suis mère et épouse! J’ai épousé Troy, l’amour de ma vie, il y a 30 ans. Mon fils, Blake, a 17 ans et étudie la musique classique. Notre maison est remplie de musique, d’animaux et d’adolescents!

Pourquoi avez-vous écrit un livre sur votre expérience avec le cancer?

L’écriture a toujours été ma façon d’assimiler mes expériences de vie. Lorsque j’ai appris qu’il ne me restait qu’un peu plus d’un an à vivre, je voulais écrire le récit de mon périple. Mon intention était de m’assurer que mon fils, qui n’avait deux ans à l’époque, sache à quel point je m’étais battue pour survivre à la maladie.

Ma merveilleuse amie (qui s’appelle aussi Heidi) m’a offert de prendre des photos. J’avais une idée bien précise du genre de photos que je voulais : artistiques, sans être stériles. À l’époque (il y a 15 ans), les seules photos de mastectomie que j’ai trouvées étaient horrifiantes. Elles montraient les torses de femmes peu de temps après leur chirurgie sans montrer leur visage. Je voulais que la vérité soit exposée, mais à ma façon, sans qu’il n’y ait de honte. Plusieurs séances intéressantes en sont découlées. Attention : les nids géants ne sont pas nécessairement confortables! Un des moments forts a été le jour où je suis montée dans un arbre, exposant mes cicatrices, sans savoir que le voisin de Heidi était dans sa cour arrière. Les séances de photos sont devenues une façon d’atteindre mes objectifs et d’accepter ce qui m’arrivait.

Lorsque mon traitement intense a été terminé, mon destin a changé pour le mieux. Il semblait logique de combiner des mots et les photos, alors je me suis cherché un éditeur. Le titre du livre, Waiting for Wings (« En attendant des ailes »), vient de ma fascination pour les chenilles et leur transformation. La lutte de la chenille afin de devenir un papillon est dramatique : elle doit sortir par un tout petit trou pour émerger. C’est durant cette lutte que le liquide est forcé à se déplacer vers les ailes : si cette étape n’a pas lieu, ses ailes pourraient ne jamais s’ouvrir pleinement. Je savais qu’il n’y avait aucun raccourci : je devais accueillir la transformation, que ce soit dans la vie ou dans la mort. Le livre raconte une histoire d’amour : l’amour de la vie, l’amour d’un enfant et la détermination de l’esprit humain.

Comment cette expérience vous a-t-elle transformée?

Tout est devenu ce que j’appelle « en haute définition ». La vie semblait plus belle, plus douloureuse, plus difficile et plus intense. Les couleurs de la vie et la noirceur de la douleur se sont juxtaposées en couches que je n’avais encore jamais connues. Maintenant, tout m’affecte davantage.

D’où vient le projet Donate & Create?

Après la partie la plus difficile de mon traitement, mon corps était détruit et mon futur, incertain. À 34 ans, je n’avais plus de seins, pas de fertilité, plus de cheveux et aucune énergie, et j’avais perdu plus de 30 livres. Je ne pouvais pas échapper à la peur, à l’anxiété, ni au traumatisme.

Un jour, j’ai reçu un bracelet avec des boutons et il me fascinait. Les boutons étaient recyclés, et j’étais en admiration devant cette créativité. À ce moment-là, la métaphore de ma vie a changé. J’ai réalisé que je devais me recycler, que je devais trouver des façons auxquelles je n’avais jamais pensé. J’ai commencé à faire des bracelets en boutons, ce qui ne s’est pas avéré un succès (la couture n’est pas un de mes superpouvoirs). Par contre, j’ai adoré aller magasiner dans les friperies et collectionner des pièces pour mes projets. Un peu plus tard, j’ai échangé mon fil et mon aiguille pour un pistolet à colle chaude et j’ai commencé à créer des cadres à photo. Durant cette période créative, j’ai remarqué quelque chose de profond : j’accédais à ce que j’appelle la « zone » (un endroit où on vit entièrement dans le moment). Dans cet espace, j’ai commencé à guérir… trouver, placer et offrir ces cadeaux m’a donné une raison d’être.

Il y a eu un point tournant lorsque nous sommes déménagés de Boston en Californie. J’étais « à la chasse » dans une friperie et j’ai aperçu un mannequin abandonné sur le plancher : elle était nue, et semblait avoir été abusée. Je me suis mise à pleurer dans le magasin, et j’ai demandé au vendeur si je pouvais acheter cet être pathétique. Vingt dollars plus tard, je me suis retrouvée dans le stationnement avec le mannequin et les yeux remplis de larmes. Bien sûr, je n’arrivais pas à la mettre dans le coffre de ma voiture, alors je l’ai assise du côté du passager, lui ai mis sa ceinture de sécurité, et c’est ainsi que nous sommes parties (à l’heure de pointe). Lors de mon retour à la maison, mon mari, mon chien et mon fils me regardaient m’affairer avec ses morceaux et pièces, d’un air ébahi. Une fois que je l’ai eu assemblée, j’ai commencé à nettoyer les marques sur son corps endommagé, en réalisant que je me voyais comme étant cassée, comme elle : si je pouvais la sauver, peut-être que je pourrais me sauver, moi aussi?

Il est devenu très apparent qu’elle ne pourrait pas rester nue. J’ai donc commencé à coller sur elle ma collection de bijoux brisés, de boutons, de boucles, de montres et autres pièces assorties. Mes amis adoraient passer chez moi et m’apporter de nouveaux articles à y ajouter. C’est ainsi que « Jewels » est née. Au courant de trois années, je l’ai transformée. Au début, elle était cassée et après, elle était belle. Et je l’ai fait avec l’aide des autres. Un jour, lorsque Jewels était pleinement parée, une amie m’a suggéré de commencer une campagne et de créer de l’art pour aider les gens luttant contre le cancer. Une vague de douceur m’a remplie et j’ai compris que c’était ma raison d’être. Jewels est devenue une vedette à la télé et dans les journaux : elle a même gagné un concours d’art! Nous avons initié une campagne locale dans le nord de la Californie afin que les gens puissent nous apporter les boutons et bijoux qu’ils n’utilisaient plus et des notes au NorthBay Medical Center. En tout, nous avons créé 10 pièces grandeur nature que nous avons mises à l’encan lors de différents galas et événements de levées de fonds. Les médias se sont ensuite impliqués, et peu de temps après, notre mission est devenu un projet d’art national. Jusqu’à maintenant, j’ai participé à 150 événements partout au pays. Les œuvres d’art sont présentées un peu partout, allant des domiciles aux hôpitaux.

Qui a instigué la collaboration avec TRIBAL?

C’est moi qui instigue tout (ou du moins, c’est ce que dit mon mari). J’ai entendu parler de TRIBAL par Si Jolie, une boutique locale située à Vancouver, à Washington. Les propriétaires ont jeté un coup d’œil au t-shirt que j’avais créé et ont trouvé que TRIBAL serait un bon match. Malheureusement, le t-shirt que j’avais produit me donnait le sentiment de porter un boyau de saucisse. J’avais vraiment besoin d’aide afin de refaire le design pour créer un t-shirt plus confortable, qui honorerait tout de même les motifs.

J’ai appelé TRIBAL au Texas, et dans un acte de bonté de l’univers, on m’a donné le numéro de téléphone de Danielle Gellatly (VP Création et Commercialisation chez TRIBAL) à Montréal. Après deux tasses de café fort, j’ai trouvé le courage de l’appeler, mais j’ai été transférée à sa boîte vocale. Quelques jours sont passés, et je m’apprêtais à embarquer dans un avion pour la côte est. Et puis, un autre point tournant : mon téléphone s’est mis à sonner et c’était Danielle. Elle a écouté ma demande d’aide, et a accepté de regarder mon site web et de me revenir avec une réponse. Mon cœur voulait s’emballer, mais j’étais préparée au cas où elle ne me contacterait pas à nouveau. Danielle ne le savait pas à l’époque, mais je m’en allais à un mémorial pour ma mère biologique : elle était décédée du cancer du sein après avoir lutté quatre fois contre la maladie. Peu de temps après, Danielle m’a recontactée.

Elle a compris parfaitement l’importance des motifs. Elle a compris que chaque pièce représentait une histoire d’espoir, de douleur, de vie, de mort et de transformation. Grâce à son expertise, j’ai pu simplement lui remettre les patrons et lui faire confiance. Six mois plus tard, le t-shirt mode est arrivé, dans toute sa gloire. Le vêtement est si doux et facile à porter! Lorsque j’ai vu le t-shirt à Las Vegas la première fois, j’ai pleuré. Il est simplement magnifique. Merci, Danielle!

Quelle était l’inspiration derrière l’œuvre sur laquelle est basé le t-shirt?

Pour ce t-shirt en particulier, le motif a été pris d’un mannequin qui se nommait « Politely Pink ». L’œuvre est composée de 60 nuances de pièces roses, provenant de centaines de sources.

Qu’est-ce que la création artistique signifie pour vous?

Je suis devenue la déléguée de ces cadeaux précieux, et je me sens responsable de les transformer en quelque chose de plus grand. Cela me rappelle que même lorsqu’on est fracassé, on peut y retrouver de la beauté. Cela rend la vie plus positive.

À quel point l’art est-il lié à la mode?

Je crois que la mode, c’est de l’art : c’est comment nous choisissons de nous parer. La mode peut exprimer notre humeur, comment nous célébrons, comment nous nous sentons. Ce que l’on choisit de porter fait partie de qui l’on est. C’est la façon dont nous habillons notre vie.

Qu’espérez-vous pour le futur en matière de votre travail et du projet Donate & Create?

J’espère que ma collaboration avec TRIBAL évoluera en une pièce annuelle crée par de nouveaux dons. Ce serait si amusant d’expérimenter avec différentes couleurs. J’imagine les possibilités : des draps, des leggings, des doublures de manteau, des uniformes d’infirmiers, des robes—il n’y a pas de limite. Avec les profits, j’apporterai les œuvres dans plus de retraites, d’hôpitaux et j’élargirai notre portée. Ceux qui luttent contre le cancer ont besoin d’un exutoire créatif. C’est tellement puissant de témoigner du pouvoir transformatif de la créativité. Cette forme d’art est facile à réaliser et très inclusive : tout le monde peut apporter un sac de plastic rempli d’articles décoratifs et s’en servir pour créer.